Je le constate chez moi mais aussi chez les autres (à en croire le nombre de messages postés à ce sujet sur les réseaux sociaux) : autour de l’âge de 2 ans, il peut être (très !) difficile d’amener son bambin à réaliser certaines tâches qui pourtant doivent être faites, comme s’habiller, se brosser les dents, ou encore se laver les mains après manger… Le préparer le matin peut s’apparenter à un parcours du combattant ! Quand en plus, cela doit être fait dans un temps imparti, on peut vite frôler la crise de nerfs (étant à la maison avec mon fils, je suis épargnée à ce niveau-là et je savoure cette chance : je compatis de tout mon cœur pour ceux qui ont des contraintes horaires tous les matins ! ).
Alors, même si ces comportements sont tout à fait normaux pour leur âge et qu’on ne peut pas leur en vouloir (il s’agit principalement d’un mélange d’insouciance (« je préfère jouer, c’est bien plus intéressant ») et d’opposition (« je me sens dépossédé de ma personnalité quand on décide de quelque chose à ma place, donc je résiste et je m’affirme »)), il est important de chercher des solutions qui fonctionnent pour que ces moments se passent bien (et au passage, préserver sa relation avec son bambin et sa propre santé mentale ! ^^). Et puisque ces moments reviennent de manière récurrente voire quotidienne, c’est d’autant plus important !
De nombreuses astuces de parentalité positive (que développerai dans de prochains articles) sont combinables dans ces situations, mais aujourd’hui je voulais vous en présenter une que je trouve particulièrement efficace : il s’agit de la mise en place de routines.
C’est-à-dire que pour ces petites choses qui se répètent chaque jour, on va toujours procéder exactement de la même façon, et en déroulant les étapes dans le même ordre.
« Rien de nouveau », me direz-vous. Effectivement, tout parent a entendu parler de la fameuse routine du coucher et en a mis une en place pour son enfant, souvent depuis qu’il est bébé. Mais pour les bambins, on ne pense pas toujours à utiliser intelligemment ces routines lorsqu’ils sont réticents à coopérer, ni à en instaurer à d’autres moments de la journée (il n’y a pas qu’au lever et au coucher qu’elles sont intéressantes).
Ici, j’en use et j’en abuse. Nous avons :
- la routine du matin : lever, petit-déjeuner, habillage, toilette.
- la routine du soir : bain, pyjama, dîner, toilette, histoire, coucher.
- la routine pour sortir : mettre ses chaussures, mettre son manteau et son bonnet (en hiver)/son chapeau de soleil (en été).
- la routine de retour après une sortie : ranger ses chaussures, suspendre son manteau et son bonnet/son chapeau de soleil, se laver les mains.
- la routine pour quitter l’aire de jeux (on n’en a plus tellement besoin mais elle a beaucoup servi ces 6 derniers mois !) : 2 derniers tours de toboggan/courir jusqu’à la grille/ouvrir la grille pour sortir/dire au-revoir aux jeux et partir.
… Et je dois en oublier !
Et je vous assure, c’est presque magique ! Par exemple, il y a eu une période récemment où mon P’tit Loup était très réticent à changer sa couche juste après la sieste (c’était pourtant ce que nous avions toujours fait). Et bien, à plusieurs reprises, juste le fait n’énoncer la « routine » habituelle a résolu le problème un clin d’œil ! Je lui disais : « que fait-on d’habitude après la sieste ? Tétée, j’ouvre les stores, je change ta couche, et on monte dans la salle à manger ! ». Et hop, il répétait la routine et c’était bon ! C’était presque trop beau pour être vrai !
Pourquoi les routines sont-elles si efficaces auprès des bambins ?
À cet âge, les enfants sont encore en pleine période sensible de l’ordre (notion conceptualisée par Maria Montessori que j’avais déjà expliquée ici), c’est-à-dire qu’ils sont particulièrement sensibles à l’ordre des choses. Ils aiment que chaque chose soit rangée à sa place, et ils aiment que les événements se déroulent tel qu’ils s’y attendent. Et puis, à 2 ans, ils commencent tout juste à se représentent le monde par images mentales, et attendent que ce qu’ils observent se conforme à leurs représentations internes. Dans le cas contraire, ils peuvent en être sérieusement perturbés : leur cerveau est perdu, et ils ressentent une véritable angoisse ! Maria Montessori donne l’exemple d’un bambin inconsolable parce que sa maman porte son manteau sur son avant-bras au lieu de le porter sur son dos. Isabelle Filliozat donne l’exemple d’un bambin qui part en crise parce que sa maman lui enfile ses chaussettes avant son pantalon, alors que d’habitude, c’est l’inverse. Et sans aller chercher dans les livres, j’observe ce genre de phénomènes presque quotidiennement auprès de mon P’tit Loup ! Il va de lui-même ranger les objets qui ne sont pas à leur place, crie parfois lorsqu’il remarque une anomalie à ce niveau, et proteste très vigoureusement si l’un de ses petits rituels ne se déroule pas exactement comme d’habitude ! J’ai constaté récemment en le couchant pour sa sieste que si, au moment où je m’allonge près de lui, je lui mets d’abord son drap et ensuite le mien, ça ne va pas ! C’est d’abord mon drap à moi, et ensuite le sien, cet ordre est très important pour lui ! 😉
Lorsque les choses se passent dans l’ordre attendu, les bambins se sentent en terrain familier. Ils peuvent anticiper ce qui va suivre et s’en trouvent rassurés, sécurisés.
Voici un extrait du livre d’Isabelle Filliozat J’ai tout essayé, à ce sujet :
« A deux ans, l’enfant ne sait pas forcément dire « je veux mettre le pantalon avant les chaussettes », il se contente de hurler quand on lui enfile ses vêtements dans le désordre. Lorsque son rituel est violé, c’est le déluge d’hormones de détresse dans le cerveau. […] Pour se repérer, l’enfant élabore des rituels qui prennent presque des allures magiques. « Miel, beurre, confiture ! » annonce le bambin, et pas question de tartiner commodément le pain de beurre avant de mettre une cuillère de confiture puis le miel dessus. Exigences étranges aux yeux des parents, les rituels enfantins sont souvent traités de caprices. C’est sans mesurer la complexité du monde que présentons aux cerveaux de nos tout-petits. Il a absolument besoin d’organiser ses perceptions et ses représentations mentales. Les rituels donnent une impression de contrôle, ils permettent donc de juguler l’angoisse. »
Les avantages des routines
Établir des routines présente de nombreux avantages, pour l’enfant comme pour ses parents.
- Elles donnent des repères à l’enfant qui le rassurent.
- Elles permettent de gagner la coopération de l’enfant sans effort (ou sans trop d’effort). Ce qui est merveilleux, c’est que la demande ne vient pas du parent, mais de la routine, qui serait comme une « instance supérieure » 😉 . Du coup, elle passe souvent beaucoup mieux : les enfants (comme les adultes !) n’aiment pas qu’on leur donne d’ordres, mais ils aiment se sentir responsables et autonomes en trouvant d’eux même ce qu’ils doivent faire. Leur demander « après t’être lavé les mains, qu’est-ce que tu fais ? » a bien plus de chances d’être efficace que d’ordonner « maintenant, va te laver les dents ! » (et c’est bien plus agréable pour tout le monde !).
- En conséquence, elles permettent d’éviter de nombreux conflits: on évite de se retrouver au bord du craquage, tenté de supplier/menacer/punir/crier, ce qui est bien meilleur pour la relation (imaginez ce genre de scènes tous les matins pour aller à la crèche…).
- Elles autonomisent et responsabilisent l’enfant, qui va savoir de lui-même ce qu’il doit faire ensuite, et moins solliciter le parent (lorsque nous rentrons de balade, j’observe régulièrement, avec bonheur et fierté, mon P’tit Loup retirer ses chaussures, les ranger puis aller se laver les mains sans que nous ayons besoin de le lui demander ❤️ ). Et cela rejoint le point n°1 : l’enfant étant plus autonome, le parent fournit moins d’efforts ! (intéressant, n’est-ce pas ? 😉 )
Comment exploiter les routines au maximum ?
- En instaurer dès que nécessaire, pour différents moments de la journée (comme je l’ai expliqué, ne pas se limiter au matin et au soir : toute action récurrente est bonne pour avoir sa routine ! 😉 ).
- Les énumérer lorsque cela s’avère nécessaire. mon P’tit Loup aime tellement que j’énonce les routines que souvent, il me la fait répéter 3 fois de suite ! Et puis, c’est très efficace : voir mon exemple du changement de couche post-sieste 😉 . D’ailleurs, dans le même ordre d’idée, Isabelle Filliozat préconise de remplacer le traditionnel « allez, maintenant, on dort ! » par l’énoncé de la routine du coucher (« position dodo, respiration calme, le doudou, fermer les yeux, un dernier bisou, bonne nuit » !).
- Élaborer des « fiches-routine »
Attention, super astuce !
Lorsque énoncer les rituels ne suffit plus, on peut passer la vitesse supérieure en imprimant ce qu’à la maison on appelle des « fiches-routine » : il s’agit de petites fiches sur lesquelles sont listées les différentes étapes de la routine. Chacune de ces étapes est illustrée d’un petit dessin pour que l’enfant puisse la « lire ». Ici, nous avons commencé il y a 3 semaines, à un moment où les routines du matin et du soir devenaient vraiment compliquées. Les astuces efficaces jusque-là ne fonctionnaient plus, nous perdions la coopération de mon P’tit Loup et ces moments devenaient vraiment pénibles. On finissait par y arriver, mais c’était très coûteux en temps et en énergie ! Alors, nous avons décidé de passer à l’action avec ces fiches (cela faisait presque deux ans que j’en avais entendu parler, mais jusque-là le besoin ne s’était pas fait sentir de les utiliser).
Les voici :
Pour les élaborer, j’ai utilisé des matrices Excel que j’ai trouvées sur le site Les super parents(je les ai pas mal remaniées, surtout que les leurs sont faites pour des enfants plus grands, mais elles constituent tout de même une bonne base qui fait gagner du temps).
Ensuite, j’ai piqué un super truc du blog Happynaiss (si tu passes par ici, merci à toi ! 😉 ) : proposer au bambin de mettre une pince à linge en face de chaque étape réalisée.
Et bien, quel succès auprès de mon P’tit Loup ! Le premier jour, il est retourné voir sa fiche plusieurs fois au cours de la journée en disant « la fiche-routine du matin » avec un grand sourire ! Bon, au bout de trois semaines, l’enthousiasme n’est plus aussi débordant, mais il est toujours présent ! Quand le matin, il est réticent à venir dans sa chambre pour s’habiller (oui parce qu’étrangement, les étapes précédentes de la tétée et du petit déjeuner ne posent jamais de problème 😉 ), je lui propose de venir voir où il en est sur sa fiche-routine du matin, et 9 fois sur 10, il accoure ! Ensuite, ça roule presque tout seul. Après chaque étape réalisée, il est tout content de mettre sa pince à linge (enfin, en pratique, c’est moi qui la met, mais peu importe). Il dit même « c’est fait ! » 😉 . Je lui demande alors « et ensuite, que dit la fiche-routine du matin ? », il « lit » l’étape suivante et s’exécute. Si jamais il est peu motivé, je lui parle de la pince à linge que l’on pourra mettre lorsque ce sera terminé, et en général ce simple rappel suffit à le convaincre !
Vraiment, si vous rencontrez ce type de difficulté, je vous invite vivement à essayer : chez nous, c’est presque miraculeux ! 😉
Et chez vous, comment ça se passe avec vos bambins ? Utilisez-vous les routines pour gagner leur coopération ? 🙂
Sources et références :
À propos de la période sensible de l’ordre :
L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p 44 à 55
J’ai tout essayé, Isabelle Filliozat, Marabout, 2013, p 91 à 97
À propos des routines :
J’ai tout essayé, Isabelle Filliozat, Marabout, 2013, p 96-97
À propos des fiches routine :
Elizabeth Pantley, Un sommeil paisible et sans pleurs, 2005, p 209-210
Crédit photo :
Photo de Kourtlyn Lott. Licence Creative Commons.
Pat 17 juin 2017
Bonjour Floriane !
Je pourrai mettre en place les fiches routines et pinces à linge plus tard, mon fils va avoir 8 mois.
En ce moment, c’est la croix et la bannière pour prendre soin de lui, en particulier au moment du change. Je l’ai à peine installé sur la table à langer qu’il se met sur le ventre, et là, impossible de le remettre sur le dos et de le changer sereinement. Pour un peu qu’il y ait des selles… Et il est encore petit pour les couches de propreté, il tient à peine debout.
J’aimerai qu’il coopère et ne pas utiliser la domination. Je lui dis « On fait tous les deux » ou « J’ai besoin que tu m’aides ». Ca a fonctionné un peu au début mais plus maintenant.
Es-tu passée par là ? As-tu un conseil ?
Belle journée à toi
Floriane 17 juin 2017
Oh oui mon fils faisait la même chose ! À cet âge là je lui demandais de rester sur le dos, et s’il ne coopérait pas j’utilisais la distraction : jeux de chatouilles (parfois pour l’allonger sur la table à langer), chansons, lui donner un objet intéressant qu’il puisse observer (coton/flacon/…) etc… Effectivement s’il ne tient pas debout mieux vaut éviter de le mettre dans cette position. Quand il sera un peu plus grand, s’il n’aime pas être allongé sur le dos, tu pourras lui proposer de le changer debout et de participer (mettre la jambe là, remonter la couche etc), ça peut vraiment beaucoup aider. À 8 mois ce n’est pas encore possible et donc c’est plus compliqué c’est vrai. Courage !
Pat 17 juin 2017
Chatouilles, bisous, diversions, distractions, etc… Je crois que j’ai fait le tour et ça fait deux mois que ça dure ! Je continue mais c’est parfaitement inefficace : petit poussin affirme bien son caractère !
Merci beaucoup pour ta réponse et tes encouragements !
Floriane 17 juin 2017
Ah zut ! Même avec ses jouets préférés ? En variant les jouets/objets à manipuler pour ne pas le lasser ? En faisant le clown de manière complètement hystérique ? 😉 Bon courage en tous cas, je compatis !
Pat 18 juin 2017
Alors je ne suis pas allée jusqu’au bord de l’hystérie. 😉 En ce moment, je mets la couche comme je peux et je l’allonge sur le dos juste le temps de vérifier. C’est compliqué mais ceci dit, je suis très heureuse d’avoir un Petit Poussin très vivant, animé et actif ! 😀
Pat 18 juin 2017
http://m.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20170609.OBS0516/frederick-leboyer-poete-accoucheur-est-mort-et-personne-n-en-a-parle.html#
J’en profite pour te joindre un article. 🙂