Je vais aborder là un thème nouveau sur le blog, qui me tient énormément à cœur : l’approche de la pédagogie Montessori. J’ai commencé à vraiment m’intéresser à cette approche aux alentours des 10 mois de mon P’tit Loup, et ce fut une révélation. Le livre L’enfant de Maria Montessori est sincèrement, je pense, l’un des livres les plus passionnants que je n’ai jamais lus ! Les idées de cette grande dame étaient tellement avant-gardistes, et le sont même encore aujourd’hui ! Elles rejoignent tout à fait d’autres idées par lesquelles j’étais déjà si convaincues : la nécessité du maternage, de la motricité libre, de la DME (ou du moins de sa philosophie générale), de l’éducation positive. Elle met en lumière les bienfaits de ces pratiques sur les apprentissages, mais également sur le développement de la personnalité de l’enfant. Elle nous en apprend tellement sur sa nature profonde, sur ses réels besoins, et donne des pistes très concrètes pour les respecter et l’aider à ainsi révéler son plein potentiel. En observant mon fils, je ne peux qu’être convaincue par ses idées, tant son comportement est conforme à ce qu’elle décrit. J’observe de jour en jour les bienfaits de ces pratiques (bien que nous soyons loin de faire du Montessori à 100%, mais nous essayons de plus en plus).
On entend énormément parler de la pédagogie Montessori de nos jours. Mais finalement, beaucoup de personnes connaissent ce nom « de loin », sans savoir véritablement de quoi il s’agit. D’emblée, on pense souvent, à tort, aux écoles spécialisées Montessori, aux jeux « labélisés » Montessori (certains pensent même qu’il s’agit d’une marque). Il ne suffit pourtant pas de posséder quelques jeux de ce type pour « faire du Montessori », et cette pédagogie est loin d’être réservée aux enfants qui ont la chance de fréquenter ces écoles, malheureusement très chères ! La pédagogie Montessori, c’est tellement plus que cela ! Plus qu’une pédagogie, c’est toute une philosophie, un état d’esprit, une façon de repenser totalement l’éducation. Il est tout à fait possible d’appliquer la pensée Montessori simplement à la maison ! 🙂
Pour pouvoir appliquer la pensée Montessori à la maison, ou du moins s’en inspirer, il est important de s’en imprégner. Pour cela, il est nécessaire d’avoir à l’esprit certaines notions et valeurs clés, qui sont comme le socle de sa pédagogie. Je fais le point ici ! J’aborderai les aspects plus concrets de la mise en pratique dans un second article, qui suivra celui-ci.
D’où vient la pédagogie Montessori ?
Née en 1870, Maria Montessori fut la première femme médecin d’Italie. Son travail l’amena à s’occuper d’enfants en déficience mentale, et c’est ainsi qu’elle découvrit l’importance de l’activité et d’un matériel éducatif adapté pour stimuler le développement intellectuel. Lorsqu’on lui confia la direction d’une école spécialisée pour enfants déficients, elle fit fabriquer du matériel spécifique en s’inspirant de matériel élaboré par des éducateurs pour enfants déficients sensoriels. Les résultats furent bluffant puisque ces enfants réussirent en peu de temps l’examen sanctionnant la fin des études primaires.
En 1906, on lui demanda de prendre en charge des enfants non déficients de 3 à 6 ans d’une banlieue défavorisée de Rome. Le projet initial était simplement de les empêcher de commettre des dégradations dans les rues ! C’est ainsi que la Maison des enfants vit le jour. Maria Montessori y appliqua les méthodes qu’elle avait mises au point avec succès auprès des enfants déficients. En observant de manière scientifique ces enfants travailler avec le matériel, en se laissant guider par leurs choix pour affiner sa méthode, elle fit de grandes découvertes ! Les résultats obtenus sur ces enfants dits « normaux » dépassèrent toutes ses attentes ! Ces enfants étaient incroyablement calmes, ordonnés, concentrés sur leur travail et disciplinés, sans en être contraint par un adulte. Ils refusèrent les bonbons et autres récompenses, préférèrent le matériel éducatif aux jouets, développèrent des compétences sociales très mâtures pour leur âge telles que l’altruisme, la coopération, l’entraide. Leur enthousiasme pour les apprentissages était sans limite. Maria Montessori raconte que lorsqu’ils découvrirent l’écriture, on entendit leurs cris de joie à l’autre bout du village ! Ils apprirent par eux même à écrire puis à lire, atteignant le niveau des enfants des classes élémentaires. Ils firent parler d’eux dans le monde entier. On parla de « miracle », d’enfants « convertis ». Maria Montessori dit qu’il n’y a pourtant pas de miracle : lorsque l’on respecte les lois naturelles de leur développement, les enfants sont capables de bien plus que ce que l’on attendrait d’eux ! C’est le caractère normal de l’enfant, sa vraie nature, qui s’est révélé lorsque l’on a levé les obstacles qu’il rencontre habituellement.
Suite à ce succès, sa méthode fut appliquée dans de nombreuses écoles aux quatre coins du monde. Aujourd’hui, elle continue de faire ses preuves, pour le plus grand bonheur des enfants qui ont la chance d’en bénéficier !
12 notions clés de la pédagogie Montessori
La pédagogie de Maria Montessori repose sur quelques concepts clés, issus de sa connaissance approfondie du développement de l’enfant.
Le respect du rythme de l’enfant
C’est vraiment le point central de sa démarche. Elle nous invite à repenser notre place par rapport à l’enfant, dont la nature profonde est réellement méconnue. Le devoir de l’adulte est de l’accompagner dans ses apprentissages, non de le « modeler » à sa manière. Elle a constaté, au travers de sa grande expérience, que l’enfant dispose d’un « esprit absorbant » qui lui permet d’apprendre par lui-même. L’adulte doit lui faire confiance en respectant son rythme et ses besoins d’apprentissage. Son rôle est de l’accompagner par son regard bienveillant, un environnement adapté, mais il doit laisser l’enfant mener la danse. Guidé par une force intérieure puissante, l’enfant sait mieux que personne ce qu’il a besoin de faire pour progresser.
« L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source qu’on laisse jaillir. »
Maria Montessori
L’esprit absorbant de l’enfant
Entre 0 et 6 ans, l’enfant dispose d’un « esprit absorbant » qui puise dans le milieu ce dont il a besoin pour se construire, d’un point de vue personnel, intellectuel et psychique. Maria Montessori appelle cette période la « période constructrice », et c’est selon elle la période de croissance la plus importante (le segment 0-2 ans étant le plus significatif). Durant cette période, l’enfant apprend seul et inconsciemment énormément de choses. En effet, que de changements entre le nouveau-né presque immobile, et le petit enfant de 2 ans qui marche, parle et se sert des objets avec précision ! Maria Montessori qualifie ces acquisitions impressionnantes de « miracles ». Jamais plus dans notre vie, nous n’aurons la faculté d’apprendre tant de choses en si peu de temps, et si facilement. Il n’y a qu’à constater la difficulté qu’ont les adultes à apprendre une autre langue ! Cette « intelligence inconsciente » est vraiment une chance pour l’enfant, et il serait vraiment dommage qu’il ne puisse pas l’exploiter pleinement.
« Si je vous disais que sur une planète
où n’existe ni école, ni maître, ni aucune nécessité d’étudier,
les habitants parviennent à connaître toutes choses
et à fixer solidement dans leur cerveau la connaissance entière,
rien qu’en vivant et en se promenant, sans prendre la moindre peine,
cela ne vous paraîtrait-il pas un conte de fées ?
Eh bien ! Ce qui parait si fantastique que cela
semble l’invention d’une imagination fertile, c’est un fait, c’est une réalité,
puisque c’est la façon d’apprendre du petit enfant inconscient.
C’est la voie qu’il suit. »Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant
Cela va même plus loin que l’apprentissage seul : l’enfant construit sa personnalité, forme son caractère. Il s’approprie le milieu dans lequel il vit, et ces impressions le marqueront à vie. Les habitudes, les coutumes, la langue, tout s’imprègne en lui.
Cette période de la vie est selon Maria Montessori la plus importante, et celle où l’accompagnement intelligent de l’adulte est le plus nécessaire, pour aider l’enfant dans sa construction, et ne surtout pas le freiner.
« A aucun âge de la vie, l’aide intelligente n’est plus nécessaire qu’à celui-là, car chaque obstacle survenant alors diminuera chez l’enfant les possibilités de perfectionnement dans son œuvre constructrice. »
Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant
Les périodes sensibles
L’enfant traverse un certain nombre de périodes dites « sensibles », au cours desquelles toute son attention est tournée vers une acquisition en particulier. Il est alors particulièrement sensible à tout ce qui est favorable, dans l’ambiance, au développement de ce caractère précis. Guidé intérieurement par une force très vive, il recherche activement les situations lui permettant de développer cette acquisition. Lorsqu’il parvient à se mettre en situation, il est capable d’une concentration intense, et ressent à l’issu de ce moment une grande joie, une paix intérieure. Une fois l’acquisition faite, la sensibilité cesse. Si l’enfant rencontre des obstacles à la pleine réalisation d’une période sensible (un environnement inadapté, un adulte l’empêchant de faire ses expériences…), il a comme « manqué le coche », et la capacité en question sera bien plus difficile à acquérir par la suite.
« Si l’enfant n’a pas pu obéir aux directives de sa période sensible, l’occasion d’une conquête naturelle est perdue, perdue à jamais. »
Maria Montessori, L’enfant
Maria Montessori souligne également qu’en cas d’obstacle, l’enfant peut avoir des réactions très violentes, souvent qualifiées à tort de « caprices » par les adultes, alors qu’il s’agit en réalité de besoins intérieurs non satisfaits. Si l’enfant se calme immédiatement une fois qu’on le laisse agir, et se concentre sur sa tâche sans rien demander de plus à personne, alors c’est qu’il s’agissait bien d’une telle manifestation. J’ai personnellement pu faire le rapprochement avec le comportement de mon P’tit Loup, qui était capable par exemple de passer une demi-heure à étudier très sérieusement les rouages de sa poussette si on le laissait tranquille, mais hurlait et se débattait soudainement dès qu’on le prenait dans les bras ou qu’on lui retirait la poussette ! J’ai également pu observer que de telles sensibilités ne durent qu’un temps : la poussette a dorénavant beaucoup moins d’effet sur lui… Les serrures, par contre, c’est autre chose ! 😉
Selon Maria Montessori, lorsque ces besoins intérieurs de l’enfant ne sont pas satisfaits lors des périodes sensibles, c’est tout son développement psychique qui est entravé. La période de 0 à 6 ans étant la période constructrice de la personnalité de l’enfant, il en résulterait des déviations qui perdureraient tout le reste de la vie. Il est donc capital d’essayer de répondre au mieux à ces sensibilités, en essayant de les repérer pour proposer à l’enfant des activités et du matériel lui permettant de le combler à ce niveau !
Les périodes sensibles principales sont, de la naissance à 6 ans :
- La période sensible de l’ordre
- La période sensible au mouvement (motricité fine et globale)
- La période sensible au langage
- La période sensible au raffinement sensoriel
- La période sensible au développement social
- La période sensible aux petits objets
Focus sur la période sensible de l’ordre
Selon Maria Montessori, l’une des périodes sensibles les plus importantes est la période sensible de l’ordre. Elle se manifeste dès les premiers mois de la vie, et se prolonge dans la deuxième année. Ceci peut paraître surprenant, et même incroyable, mais durant cette période, les bébés/bambins sont véritablement sensibles à l’ordre des choses. Maria Montessori cite deux exemples très parlants. Le premier est celui d’une petite fille de 6 mois environ, qui se mit à pleurer lorsqu’une dame invitée dans la maison où elle vivait posa en arrivant son ombrelle sur la table. Lorsqu’on emmena l’ombrelle dans la pièce voisine, la petite s’apaisa immédiatement. Elle était sincèrement perturbée par l’ombrelle sur la table : ce n’était pas sa place, l’ordre des choses tel qu’elle se le représentait en était perturbé. L’autre exemple est une maman qui, ayant chaud à force de marcher, s’arrêta pour retirer sa veste, qu’elle posa sur son avant-bras. Son fils de 18 mois qui l’accompagnait partit soudainement dans une crise de colère impressionnante. Personne n’arrivait à le calmer, personne ne comprenait ce qui se passait. Alors, Maria Montessori, qui était présente, suggéra à la maman de remettre sa veste. Et le petit se calma instantanément. Car pour lui, dans sa représentation des choses, une veste se porte sur le dos, et non sur le bras.
Pour que sa représentation du monde soit claire, le petit enfant a besoin que les choses soient bien rangées à leur place. Dans le cas contraire, il peut être profondément perturbé ! L’ordre le rassure, le sécurise et lui donne des repères. Un milieu ordonné lui permet également de se concentrer plus facilement.
« Je compris alors que tout, dans l’ambiance de l’enfant, doit être mesuré et ordonné ; et que c’est du manque de confusion et de superflu que naissent, précisément, l’intérêt et la concentration. »
Maria Montessori, L’enfant
Maria Montessori explique que les enfants de 2 ans qui ont suivi sa méthode ont tendance à remettre d’eux-mêmes les choses à leur place, remarquant des points de désordre passant inaperçus aux yeux des adultes.
Je suis personnellement profondément convaincue que cette « période sensible de l’ordre » est une réalité, tellement je l’observe chez mon P’tit Loup de 18 mois ! Depuis un petit moment déjà, il manifeste clairement cette forte sensibilité ! S’il trouve un petit morceau de papier par terre (ou même une miette !), il le ramasse pour aller le mettre à la poubelle ! Il est arrivé plusieurs fois qu’à la maison, il ramasse une pièce de monnaie par terre pour aller la remettre dans la boîte dédiée. Nous avons des coins de sécurité arrondis collés sur les coins aiguisés de notre table basse, et parfois l’un d’eux se décolle et tombe. Alors, il « râle » à sa façon, ramasse le coin décollé et tente de le remettre en place. Lorsqu’une porte est entrouverte, il va la fermer. Si un vêtement dépasse un peu du panier à linge, il l’y remet entièrement. De manière générale, si une chose n’est pas à sa place, il va l’y remettre, ou s’il ne peut pas le faire lui-même, râle pour que nous le fassions. Il remarque des choses infimes que nous, ses parents, n’avions pas du tout vues, exactement comme le décrit Maria Montessori ! Enfin, lorsqu’on lui propose de ranger quelque chose, il est généralement très enthousiaste et s’y applique avec soin (je précise que ce n’est pas venu du jour au lendemain, nous lui avons appris à ranger). Lorsque nous rangeons quelque chose, il ponctue l’action d’un petit « hop » !
L’enfant est capable d’une grande concentration
Lorsque les conditions sont réunies, l’enfant est capable de se concentrer intensément et longtemps. Il répète le même exercice encore et encore. Maria Montessori appelle ce phénomène la « répétition de l’exercice ». Lorsqu’il s’arrête enfin, il a l’air heureux, satisfait, repu de son travail. Dans L’enfant, elle donne l’exemple d’une petite fille de 3 ans si prise dans son travail minutieux qu’elle ne s’était même pas rendue compte qu’on avait déplacé la chaise sur laquelle elle était assise sur une table. Elle répétait malgré tout encore et encore son mouvement, des dizaines de fois, imperturbable. Cet état de concentration intense est selon Maria Montessori très important à atteindre, car il permet à l’enfant de développer son intelligence et de construire son caractère.
J’observe également cela sur mon P’tit Loup. Lorsqu’il est absorbé dans une activité, il répète encore et encore les mêmes gestes, dans un état de concentration intense, sans se soucier de ce qui se passe autour de lui. Encore hier, dans un centre de jeux « parents-bébés », alors que plein de petits courraient autour de lui en criant, il n’a pas levé la tête de son jeu (des bâtons à enfoncer dans des trous, sur une planche en bois). À la maison, il lui ait déjà arrivé de répéter le même geste plus d’une cinquantaine de fois d’affilé !
Le libre-choix des activités favorise l’apprentissage et la concentration
Maria Montessori a remarqué dans la Maison des enfants, que ceux-ci travaillaient de manière bien plus efficace s’ils avaient la possibilité de choisir eux-mêmes leurs activités. C’est ainsi que l’organisation de la classe fut modifiée : le matériel éducatif fut placé sur des étagères basses, et au lieu de le recevoir de manière imposée de la part de la maîtresse, les enfants purent aller se servir eux-mêmes. C’est en choisissant eux-mêmes leurs activités qu’ils parvenaient à acquérir un degré de concentration élevé, s’accompagnant de la répétition de l’exercice. Maria Montessori explique que cette liberté permet à l’enfant d’agir selon sa force vitale intérieure. Il est le mieux placé pour savoir ce qu’il a besoin de faire. Guidé par cette force, il choisit les activités qui lui permettent de répondre au mieux à ses besoins du moment, selon ses périodes sensibles. Et forcément, il sera alors plus réceptif et plus concentré. De plus, l’enfant apprend ainsi à faire des choix en fonction de ses besoins, un apprentissage qui lui servira toute sa vie !
On entend souvent dire que lorsque soudainement on n’entend plus un bébé ou un bambin, c’est « parce qu’il est en train de faire une bêtise ». En réalité, il ne dit plus rien parce qu’il a trouvé une activité constructrice, adaptée à ses besoins du moment, et qu’il se concentre ! Comme par exemple, mettre un couvercle sur un pot. C’est justement parce qu’il a choisi lui-même cette activité qu’il s’y adonne avec autant de concentration, en silence. Et c’est en général à ce moment-là que l’adulte arrive pour lui retirer l’objet des mains en disant « ne touche pas à ça ! »… (Mais nous y reviendrons plus tard).
Je constate moi-même au quotidien avec mon P’tit Loup qu’il se concentre bien plus facilement et plus longtemps s’il choisit lui-même son activité, c’est flagrant !
Un matériel adapté est nécessaire pour atteindre la concentration
On entend souvent également la phrase suivante : « on leur offre des jouets, alors qu’avec un pot/une casserole/un bout de ficelle/etc, ils s’amusent comme des fous ». Oui, si les jeux offerts ne sont pas, comme souvent, respectueux du développement de l’enfant, alors il s’en désintéressera très vite et préfèrera utiliser les objets du quotidien. Maria Montessori insiste sur l’importance du matériel, qui doit répondre à des caractéristiques bien précises (notamment isoler la difficulté et permettre un contrôle de l’erreur), ainsi qu’être adapté à son stade de développement, en répondant à ses périodes sensibles (si son objectif est trop facile à atteindre, le jeu ne l’intéressera pas).
L’enfant a besoin de bouger pour développer son intelligence
« Quand on observe un enfant, le résultat est évident : son esprit se développe par l’usage du mouvement. »
Maria Montossori, L’esprit absorbant de l’enfant
Selon Maria Montessori, la liberté de mouvement est essentielle à la construction psychique de l’enfant. C’est en bougeant qu’il prend conscience de son corps et de son environnement, apprend à coordonner ses muscles, à exercer sa volonté physiquement. Ainsi, il expérimente, et ses expériences nourrissent sa pensée en lui apportant diverses connaissances. Mouvement et esprit sont ainsi étroitement liés. Le petit enfant a donc besoin de se mouvoir librement dans le milieu pour se construire.
Notons que cette pensée rejoint tout à fait la vision d’Emmi Pikler concernant la motricité libre, selon laquelle les bébés doivent être laissés un maximum libres de leurs mouvements pour construire naturellement et de manière optimale leur psychomotricité.
L’enfant a besoin de manipuler pour développer son intelligence
De même que pour le mouvement général, Maria Montessori explique qu’il existe un lien très fort entre la main et le cerveau : le cerveau dirige la main, et le travail de la main nourrit le cerveau (en informations, sensations, expériences…). Lorsque la main et le cerveau travaillent ensemble, ce dernier fixe mieux les informations, et l’apprentissage est ainsi grandement facilité. Les activités manuelles sont donc un excellent stimulant intellectuel pour l’enfant. Au contraire, en privant l’enfant de travail manuel, on entrave selon elle son développement intellectuel et psychique.
« Mon expérience m’a démontré que si, à la suite de conditions particulières, l’enfant ne peut faire usage de sa main, son esprit se maintient à un niveau inférieur. »
Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant
L’auto-discipline
Les élèves de l’Ecole des Enfants étaient bien plus libres que les élèves d’écoles traditionnelles : libres de se déplacer, de parler, de choisir leurs activités. Ils n’étaient soumis à aucune menace ni punition. On ne leur promettait aucune récompense. Beaucoup penseraient que dans une classe d’enfants de 3 à 6 ans bénéficiant d’une telle liberté règnerait le chaos. Et pourtant. Les élèves de L’école des Enfants étaient incroyablement « disciplinés », au point qu’ils firent parler d’eux dans le monde entier. Certaines personnes se déplacèrent même sur place pour le voir de leurs propres yeux. Ces élèves étaient calmes, sérieux, travailleurs, ordonnés, et altruistes. Ils obéissaient promptement à la maîtresse. On ne leur imposait pas d’être disciplinés ainsi, ils l’étaient simplement parce qu’ils avaient envie de l’être. Qu’ils étaient profondément convaincus que cette manière de se comporter était la meilleure, et que d’obéir à la maîtresse était dans leur propre intérêt. On appelle cela l’auto-discipline.
Maria Montessori est très claire sur ce point : l’obéissance doit aller de pair avec la volonté. Contrairement aux idées reçues, l’enfant est prédisposé à l’obéissance. Il aime obéir ! Mais pour cela, il doit le vouloir, et donc comprendre et être convaincu du bien-fondé des directives qui lui sont données. Elle dénonce l’éducation traditionnelle qui veut que l’enfant se soumette aveuglément à la volonté de l’adulte, ayant pour seules réelles motivations les menaces et la peur. Elle n’hésite pas à dire que cela fait du maître ou du parent un « tyran ». De plus, un tel comportement envers l’enfant aliène sa personnalité et entrave son développement : il l’empêche de développer sa volonté consciente, la conscience de ses actes.
« C’est une erreur fondamentale de croire que la volonté de l’enfant doit être détruite pour qu’il obéisse, c’est-à-dire qu’il accepte et exécute ce qu’un autre a décidé. Si nous appliquions ce raisonnement à l’éducation intellectuelle, cela reviendrait à dire qu’il est nécessaire de détruire l’intelligence de l’enfant pour lui enseigner notre culture. »
Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant
En appliquant les principes d’auto-discipline et de liberté dans ses écoles, l’objection principale qu’a rencontrée Maria Montessori était : « on laisse les enfants faire ce qu’ils veulent ». Sa réponse était que ces enfants ne faisaient pas ce qu’ils voulaient, mais voulaient ce qu’ils faisaient. La nuance est de taille !
La deuxième notion importante qu’elle apporte, c’est qu’entre 1 et 6 ans, l’enfant développe progressivement sa conscience et son contrôle de soi. Ce sont des acquisitions comme les autres, qui s’acquièrent avec le temps et la pratique. Maria Montessori parle des « 3 degrés de l’obéissance », qui sont les stades de progression vers cette acquisition par lesquels passe l’enfant pendant cette période de sa vie. Le premier degré correspond à la phase où l’enfant est capable d’obéir certaines fois, mais pas d’autres. Ce qui est souvent interprété comme de la mauvaise volonté résulte simplement d’un apprentissage non achevé : de même qu’un enfant qui apprend à marcher passe par une phase où il tombe régulièrement, l’enfant qui apprend à obéir passe par une phase où il y parvient parfois, mais pas toujours. Une même consigne pourra être respectée une fois, mais pas la fois suivante. Il ne s’agit pas là d’un manque de volonté, mais d’habileté. Si l’adulte le réprimande lorsqu’il ne parvient pas à obéir, il lui complique la tâche et le décourage. Cela est particulièrement vrai si l’enfant a moins de 3 ans : il est encore dans la confusion, en train d’élaborer les mécanismes qui lui permettront de se dominer consciemment. Il ne parvient pas encore à obéir pleinement à sa propre volonté, il est donc normal qu’il réussisse encore moins à obéir à celle d’autrui ! Après 3 ans, l’enfant a une meilleure conscience de lui-même et de ses actes, mais il pourra s’écouler encore du temps avant qu’il atteigne le deuxième degré de l’obéissance. Le deuxième degré, c’est lorsqu’il réussit à obéir à chaque fois. C’est un énorme pas en avant pour lui : il peut répondre non seulement à sa volonté, mais également à celle d’un autre. Enfin, si les conditions sont réunies (à savoir un environnement adapté et un accompagnement adéquat), l’enfant atteindra le troisième degré de l’obéissance : l’enfant « accepte l’autorité d’une personne dont il sent la supériorité ». Il a tellement confiance en cette personne et sa considération envers elle est telle qu’il lui obéit promptement et avec un grand enthousiasme. Car il est convaincu qu’elle peut lui apporter beaucoup. Maria Montessori raconte l’expérience d’une maîtresse expérimentée appliquant sa méthode, qui n’avait pas encore fini ses phrases d’instructions que les élèves étaient déjà en train de s’exécuter ! Il lui suffisait de commencer à écrire le mot « silence » sur le tableau, et le silence régnait soudainement dans la classe ! Cela paraît incroyable, et pourtant, Maria Montessori qualifie ce troisième degré de l’obéissance comme de phénomène complètement naturel !
Les déviations
Selon Maria Montessori, les enfants dont les besoins vitaux constructeurs n’ont pas été respectés en verront leur caractère altéré durablement par ce qu’elle appelle des « déviations ». Elle explique que ces déviations se contractent pendant les toutes premières années de la vie, entre 0 et 3 ans.
« Aussi, un enfant peut-il présenter une accumulation de caractères qui ne sont pas les siens propres, mais le résultat des circonstances défavorables. »
« On ne leur a pas donné la possibilité d’observer les objets qu’on leur enlevait des mains. »
Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant
Ces déviations du caractère se manifestent par de violents accès de rage, des mouvements volontaires désordonnés, une inconstance dans les actes, des difficultés à fixer l’attention, de la timidité, de la paresse. Au contraire, les enfants dits « normaux » (qui ont suivi le cours naturel de leur développement), se concentrent facilement et durablement, aiment travailler, sont disciplinés et sociables.
Maria Montessori insiste donc sur l’importance de repérer ces déviations du caractère à l’âge de 3 ans, au moment où leurs manifestations sont encore faibles et facilement corrigibles. Elle raconte que dans ses écoles, ces défauts chez les enfants disparurent de manière spectaculaire, du fait que leurs esprits furent « nourris » ! Si les déviations ne sont pas corrigées, elles impacteront le caractère durablement, jusqu’à l’âge adulte. C’est ainsi que selon Maria Montessori, l’humanité tout entière n’est absolument pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être, puisque l’homme, par son éducation non adaptée, n’exploite pas pleinement son potentiel psychique et intellectuel.
L’enfant est un être d’amour
L’approche de Maria Montessori est clairement une approche très humaine, qui se place du point de vue de l’enfant. La bienveillance en est le socle ! Elle invite l’adulte à plus d’empathie et de respect envers l’enfant. Elle condamne l’appellation de caprice, appelle à une éducation respectueuse de l’enfant, sans punitions ni récompenses, basée sur la compréhension et la confiance mutuelle.
Elle rappelle que l’enfant est bon par nature. C’est un être d’amour : d’amour pour la vie, pour la découverte du monde, et par-dessus tout pour ses parents. Il les aime de manière inconditionnelle, leur accorde une confiance infinie, et ne cherche jamais à les fâcher. La majorité des conflits sont dus à l’incompréhension de l’adulte face à la nature si différente de l’enfant.
« Qui sera ce maître d’amour ? Sans doute, celui qui traite de caprice toutes les manifestations de l’enfant et qui ne pense qu’à se défendre de lui ? […] C’est au contraire, l’enfant, qu’il l’aime. […] Quand il va se coucher le soir, l’enfant appelle la personne qu’il aime et la supplie de ne pas l’abandonner. […] Et ce petit être qui nous aime grandira et disparaîtra. Qui donc nous aimera jamais comme lui ? Qui nous appellera jamais, sur le point d’aller se coucher, en disant : « Reste… ». […] Et nous nous défendons devant cet amour qui passera. »
Maria Montessori, L’enfant
Sur ces belles paroles, je vous dis à très bientôt pour la suite avec un article plus concret sur la mise en pratique à la maison !
Note :
Pour écrire cet article, je me suis principalement servie des livres suivants, que je vous recommande chaudement si vous souhaitez approfondir ce sujet passionnnant !
– L’enfant de Maria Montessori
– L’esprit absorbant de l’enfant de Maria Montessori
– Vivre la pensée Montessori à la maisond’Emmanuelle Opezzo
Sources :
A propos de la maison des enfants : L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p104
A propos de la période créatrice et de l’esprit absorbant :
L’esprit absorbant de l’enfant, Maria Montessori, Broché, 2003, p23 à 29
A propos de la concentration et de la répétition de l’exercice : L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p109-110
A propos des périodes sensibles : L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p 32 à 43
A propos du mouvement et de l’intelligence :
L’esprit absorbant de l’enfant, Maria Montessori, Broché, 2003, p 113 à 120
Vivre la pensée Montessori à la maison, Emmanuelle Opezzo, Marabout, 2016, 90-91
A propos de l’intelligence et du travail manuel :
L’esprit absorbant de l’enfant, Maria Montessori, Broché, 2003, p 123-125
A propos des déviations :
L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006 p 42 à 43 ; p 134 à 141
L’esprit absorbant de l’enfant, Maria Montessori, Broché, 2003, p 105 à 112, p 154 à 161, p 216
A propos de l’autodiscipline :
L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p 118-119, 125-126
L’esprit absorbant de l’enfant, Maria Montessori, Broché, 2003, p 205 à 213
A propos des « miracles » : L’enfant, Maria Montessori, Broché, 2006, p 133
Laetitia 23 octobre 2016
Bonjour,
J’ai lu avec plaisir et intérêt votre article. Je vais bientôt être maman (décembre) et j’ai entendu parler de cette méthode un peu par hasard. J’ai lu la biographie de Maria Montessori et cela m’a convaincu que c’est vers ce type d’éducation que je veux aller. Votre article est un non complément, bien résumé je trouve.
Je continue maintenant mes lectures pour aller vers le concret.
Hâte de lire votre prochain article.
Laetitia
Floriane 23 octobre 2016
Bonjour et félicitations pour votre grossesse ! C’est super de s’informer dès à présent comme vous le faites ! Je vous souhaite une belle découverte montessorienne !
A très bientôt 🙂
Floriane
Madame BDC 23 octobre 2016
Merci pour cet article, très bien écrit, précis, documenté et pertinent. J’enregistre le lien pour pouvoir y revenir plus tard.
Floriane 23 octobre 2016
Merci beaucoup 🙂
Feyrouz 23 octobre 2016
Merci beaucoup pour ce partage. Je suis en train d’étudier « l’enfant » et « l’esprit absorbant » et votre synthèse m’a beaucoup aidé à mettre en relation les idées entre elles et à comprendre des notions pas si évidente que ça.
Floriane 24 octobre 2016
De rien, je suis ravie que cela vous aide ! Effectivement les notions sont tout de même assez techniques, j’ai dû relire certains passages de ces livres plusieurs fois 😉
Anass 12 octobre 2017
Bonjour,
je suis un jeune père d’un enfant de 15 mois et je viens de découvrir la pédagogie montessori. j’ai lu votre article et je suis vraiment heureux d’apprendre de votre expérience. Toutefois, puisque mon enfant est dans la période sensible de l’ordre je me demande quels sont les pratiques et les activités qu’on peut exercer avec mon enfant. Je suis marocain et notre société n’est pas habituée à ce type d’éducation donc j’ai deux problématique à la fois : aider mon enfant à apprendre et en même temps convaincre notre entourage que ce qu’on fait et bien pour l’enfant (famille, voisin etc)…