Se faire obéir de ses enfants ?

Je me souviens si bien de cette fois où une connaissance me parlant d’une petite fille d’environ 18 mois m’a dit « c’est une bonne petite, elle obéit bien ».

Je me suis sentie triste pour cette petite fille.

Vraiment, voilà ce qu’on attend d’un enfant de 18 mois ?  À l’âge où sa plus grande mission est d’explorer le monde pour comprendre son fonctionnement, l’enfant serait « bon » lorsqu’il a appris à réprimer son désir ardent de toucher un objet de la maison suite à l’interdiction voire aux gros yeux d’un adulte ?  Qu’il obéisse sans broncher de manière systématique par crainte des représailles serait une bonne chose ?

Et si cette obéissance l’empêchait par ailleurs de découvrir, de réfléchir, de se construire ? Et si cette obéissance éteignait à petit feu sa curiosité et sa joie de vivre ? Et si cette obéissance l’empêchait de devenir qui il est ?

Le conditionnement à l’obéissance

Malheureusement c’est un fait : l’obéissance des enfants est généralement perçue comme une qualité. C’est ce qu’on attend des enfants encore de nos jours : qu’ils se soumettent sans discuter à la volonté des adultes.

Pourtant, est-ce que l’on attend vraiment des adultes ? L’obéissance systématique et irréfléchie d’un adulte est-elle perçue comme une qualité ? Bien sûr que non. Un tel adulte est rapidement qualifié de « mouton ». On dit aussi qu’il obéit sans réfléchir, qu’il est « bête et discipliné ».

Qui a envie que son enfant devienne un adulte « mouton », « bête et discipliné » ? Personne.

Lorsqu’on interroge les parents, la plupart ont une bien meilleure ambition pour leurs enfants : ils souhaitent qu’ils deviennent des adultes avec un bon esprit critique, qu’ils soient capables de prendre du recul sur une situation, de prendre des initiatives et de faire les bons choix pour eux-mêmes.

Mais comment une personne qui a appris à obéir aveuglément toute son enfance et adolescence pourrait-elle être capable de tout cela d’un coup d’un seul arrivée à l’âge adulte ? On passerait du mode « mouton » au mode « adulte responsable » d’un coup de baguette magique la nuit de nos 18 ans ?

Evidemment, apprendre à faire les bons choix pour soi-même est processus qui prend du temps. Et c’est à force de pratique que les enfants apprennent.

« Les enfants apprennent à prendre de bonne décisions en prenant des décisions, et non en obéissant à des ordres ».


Alphie Kohn

Apprendre à son enfant à obéir, c’est donc entraver sa prise d’autonomie ! On l’empêche d’apprendre à penser par lui-même, on le rend dépendant des adultes en lui faisant croire qu’ils savent toujours mieux que lui ce qui est bon pour lui. Cela n’est pas sans conséquences sur le long terme (beaucoup d’adultes sont dépendant de l’approbation des autres, ne savent pas vraiment qui ils sont ni ce qu’ils désirent, et ont du mal à prendre des décisions). Cela entrave également sa confiance en lui-même, puisqu’il ne se pense pas capable de réfléchir par lui-même.  

Je ne dis pas que ce n’est pas toujours possible, mais lorsque cela l’est, il me semble primordial de laisser à nos enfants une marge de manœuvre. Tant qu’il n’y a pas de danger, tant que cela ne nuit à personne, apprenons à lâcher prise sur les petites choses. Laissons les faire leurs propres expériences. Si un enfant saute le bain une journée, passe une journée en pyjama, s’endort tout habillé ou sort sans manteau en hiver, est-ce si grave ? L’adulte qui donne des ordres à l’enfant pour toutes ces choses ne cherche-t-il pas là surtout à remplir son propre besoin de contrôle sur la situation, plus que le besoin de l’enfant ? Il me paraît si important, face à un refus, de nous interroger en tant que parent sur la légitimité de notre demande.

Il est vrai que ce peut être fatiguant de voir son enfant négocier régulièrement sur ce genre de petites choses. Pourtant, c’est formidable : si votre enfant négocie, c’est qu’il vous fait confiance pour l’écouter, il sait que le dialogue et possible. Et surtout, il s’exerce à cela : négocier, argumenter, faire savoir lorsque quelque chose lui paraît injuste ou infondé. Ce sont des compétences précieuses qui lui serviront toute sa vie !

Mon P’tit Loup fréquente une école alternative à pédagogie active. Dans cette école, un point d’honneur est mis pour que chaque élève puisse s’exprimer librement, faire valoir ses opinions. Lors de la réunion de présentation de l’école, le directeur avait raconté une anecdote qui m’avait beaucoup marquée. Il racontait que dans un collège « classique » géographiquement proche de cette école alternative, la direction s’assurait de ne pas mettre dans la même classe 2 élèves issus de cette école alternative. La raison ? Ils négocient tout, et s’ils sont plusieurs à le faire au sein d’une même classe c’est épuisant pour les enseignants ! Ce récit m’avait fait sourire et m’avait confirmé que c’était cette école que je voulais pour mes enfants. Effectivement, je veux qu’ils apprennent à négocier, à faire valoir leurs opinions, et certainement pas qu’ils apprennent à prendre sur eux, à se taire, à se soumettre.

Je ne veux pas que mes enfants m’obéissent !

Et à la maison, c’est pareil ! ^^

Je ne veux pas que mes enfants m’obéissent !

Je ne veux pas qu’ils aient peur de moi, et donc se soumettent par la crainte.

Je ne veux pas leur transmettre que le plus fort a le droit d’imposer sa volonté au plus faible.

D’ailleurs, quelle crédibilité aurais-je envers mon fils lorsque je lui explique qu’il est important de chercher des solutions avec sa petite sœur en cas de désaccord plutôt que de lui imposer sa volonté par la force, si moi-même je ne l’écoutais pas et que je lui imposais systématiquement MA volonté ? Les enfants apprennent par l’exemple plus que par les mots, ne l’oublions pas.

J’entends parfois des enfants dire à leurs parents ou même à leurs camarades « c’est pas toi qui décide, c’est moi qui décide ». D’où sortent-ils cette phrase ? Du conditionnement à l’obéissance, très certainement.  Un enfant à qui l’on propose de chercher une solution ensemble en cas de désaccord apprendra à faire de même, que ce soit avec ses parents ou avec les autres enfants. Je suis toujours si heureuse lorsque j’entends mon P’tit Loup dire, en cas de désaccord avec nous ou avec sa petite sœur « on va chercher une solution » ou encore « j’ai une bonne idée ! ». Un enfant à qui l’on apprend à obéir sous la contrainte apprendra à imposer sa volonté sur l’autre par la force, ou à se soumettre. Est-ce bien là les compétences que nous voulons transmettre à nos enfants ?

Non, je ne veux pas que mes enfants m’obéissent. Je veux au contraire qu’ils grandissent en sachant que leur parole à autant de valeur que la mienne ou celle de leur papa. Qu’on peut toujours discuter pour chercher des solutions ensemble en cas de désaccord. Et si ce n’est pas possible, alors d’expliquer pourquoi en toute humilité, tout simplement.

« Il est dangereux d’enseigner à un enfant qu’il n’a pas d’autre choix que de faire ce qu’on lui dit. »

Marshall Rosenberg

« Se faire obéir sans crier » ?

Je n’adhère pas non plus à la manière « douce » qui consisterait à « se faire obéir sans crier ». On trouve de nombreux articles, vidéos et formations en ligne intitulés ainsi, et à chaque fois que je lis ce titre je ressens un malaise. Car même si l’on ne crie pas, le but reste de soumettre l’enfant à la volonté de l’adulte. On cherche à le manipuler pour parvenir à nos fins. On cherche malgré tout à le faire obéir. On ignore les raisons réelles de ses refus, on ignore les besoins qui se cachent derrière. Où est le respect de l’enfant là-dedans ?

Il y a, par exemple, la technique du « faux choix » très souvent citée en parentalité. Si par exemple, l’enfant refuse de s’habiller, on lui propose de choisir entre le pull vert ou le pull bleu. Souvent, l’enfant va automatiquement choisir l’une des 2 options et répondre à la demande sans s’en rendre compte. On lui donne donc l’illusion du choix (le vêtement à porter) pour masquer un ordre (celui de s’habiller).

Loin de l’idée de culpabiliser les parents ayant utilisé cette « technique », je l’ai fait moi aussi à de nombreuses reprises avec mon fils lorsqu’il était tout petit. À l’époque où je cherchais à appliquer des « méthodes ». J’ai beaucoup cheminé depuis, et cela me paraîtrait tellement déplacé, inadapté et irrespectueux maintenant.

D’ailleurs, je n’ai jamais proposé de « faux choix » à ma fille qui a maintenant presque 2 ans et demi. Pour l’anecdote, il est arrivé quelques fois que des personnes de l’entourage le lui fasse. À chaque fois, elle s’est mise dans une colère noire. Elle avait l’air de penser « ils ne comprennent toujours pas ou ils se fichent de moi ??? ».

À la réflexion, cela semble logique. Si je disais à mon conjoint que je ne veux pas partir en week-end demain, et qu’il me répondait « tu préfères aller à la mer ou à la montagne », je me mettrais en colère aussi et j’aurais bien l’impression qu’il se fiche de moi !

Un jour, autour de ses 3 ans, mon P’tit Loup m’a ressorti un « faux choix » suite à un refus de ma part, et je me suis sentie « bête ». L’effet boomerang, ça fait drôle ! Et ça permet de sacrées prises de conscience ! Sa réaction m’a permis de me mettre à sa place, de comprendre ce qu’il pouvait ressentir et de prendre conscience que je lui manquais de respect par cette « technique » en apparence anodine. Car quand lui m’a ressorti un « faux choix » dans la face, je ne me suis pas sentie respectée…

Comprendre le besoin derrière le refus

Quand ma petite Louve refusait catégoriquement de mettre culottes, pantalons ou couches pendant de longues semaines, j’ai fini par comprendre qu’elle était en pleine acquisition de la continence et avait besoin d’être fesses nues pour mener à bien cette acquisition. Ne rien porter en bas lui faciliter l’accès au pot en toute autonomie, et elle manifestait le besoin de cette autonomie-là à ce moment-là. Peut-être que ça l’aidait aussi en termes de sensations. Une fois la continence acquise, elle a à nouveau accepté de porter des culottes et pantalons ! Si je m’étais obstinée à lui mettre absolument quelque chose, que ce soit par la force, les faux choix, le jeu ou autre subterfuge pour me faire « obéir sans crier », je serais passée à côté de son besoin profond… Elle ne se serait pas sentie respectée et son acquisition aurais sûrement été mise à mal, voire retardée. Elle avait moins de 2 ans et ne pouvait encore exprimer ce besoin par des phrases, il était donc essentiel que je décrypte moi-même le besoin derrière son refus.

Et maintenant…. Mon annonce !

J’ai une nouvelle à vous annoncer !

Je suis en train de travailler sur un gros projet que j’ai en tête depuis bien longtemps déjà…

Je vous prépare un nouvel accompagnement !

Un accompagnement sur 6 mois s’adressant aux mamans qui souhaitent améliorer la relation avec leurs enfants, pour une vie de famille plus harmonieuse. Un accompagnement pour aider les mamans qui ne souhaitent plus utiliser de violences éducatives ordinaires mais dérapent souvent malgré elles, à sortir de ce schéma et à s’apaiser, pour le bien de toute leur famille.

Un accompagnement dans lequel les mamans pourront échanger, partager leurs avancées et leurs défis quotidiens au sein d’un groupe Facebook dédié… et ainsi se sentir moins seules dans leur démarche. Groupe Facebook sur lequel je serai évidemment présente pour répondre à toutes leurs questions et les accompagner sur leurs chemins personnels.

Pour toutes les raisons évoquées dans cet article, dans ce programme, il ne sera pas question de se faire obéir par son enfant, mais plutôt de ne pas entraver/d’encourager son élan naturel à coopérer. Et s’il ne coopère pas, de comprendre son besoin, le nôtre, et de chercher une solution juste conciliant les besoins de chacun. L’objectif ne sera pas de se faire obéir, de « dresser » son enfant. Ce programme s’adressera à des mamans souhaitant améliorer la relation avec leur enfant, le respecter en toute circonstance tout en se respectant soi-même ❤️


10 thoughts on “Se faire obéir de ses enfants ?

  1. NETZERLucie Répondre

    Article très inspirant ! j’étais déjà pas mal d’accord sur le sujet, mais j’avoue utilisé de temps en temps le « faux choix », et en général ma fille me répond également ni l’un ni l’autre en répétant ce qu’elle ne veut pas faire d’un air de dire que j’ai rien compris ! Mais c’est vrai que même si on sait pourquoi on le fais, toujours argumenter et discuter est parfois fatiguant ! (et pour le prix, au contraire je trouve que ça fait plus commercial de ne pas le mettre, moi j’aime bien avoir toutes les données ! Je trouve ça chouette, mais je n’ai pas le budget pour faire partie du groupe. Merci en tous cas pour tous ces conseils ! )

    1. Floriane Répondre

      Merci beaucoup pour ton partage, tu as raison ce n’est pas l’option la plus simple, cependant je suis convaincue qu’elle paie sur le long terme ❤️
      Merci aussi pour retour transparent et sincère sur la présentation de l’offre, qui me conforte dans ce choix : effectivement je me suis dit la même chose, j’aime aussi avoir toutes les données si je suis intéressée par un service…
      A bientôt et encore merci,

      Floriane

    2. Anne-Laure Répondre

      Ma mère a tenté le faux choix sur moi quand j’étais petite, elle s’est pris un « AUCUN DES DEUX », j’étais pas si facile que ça à avoir. ^^

      1. Floriane Répondre

        Haha, tant mieux ! 😀

  2. Biboumam Répondre

    Pourquoi seulement des mamans testeuses? Ça pourrait intéresser des papas non?

    1. Floriane Répondre

      Bonjour et merci pour ce retour. Effectivement ta remarque est pertinente, c’est juste qu’en tous cas pour cette fois j’ai envie de créer un espace pour les mamans, de m’adresser aux mamans. Qui sont les personnes qui me suivent à plus de 95 % déjà. Qui n’ont probablement pas toujours exactement les mêmes problématiques que les papas. Peut être que cela changera par la suite. J’ai moi même suivi une formation en ligne pour les entrepreneuses et j’ai apprécié d’avoir un groupe de femmes avec qui échanger. Après c’est un ressenti personnel, une envie personnelle.
      Heureusement d’autres professionnels proposent des accompagnement pour les papas aussi ^^
      Es tu un papa ?
      En tous cas je te remercie pour ta remarque qui m’invite à réfléchir davantage sur le sujet ! 😀

      1. Biboumam Répondre

        Je comprends ton ressenti. Je suis une Maman mais mon conjoint a suivi un atelier Faber et Mazlich et aimerait avoir à nouveau du soutien sur ce genre de thématique. Mais je suis d’accord avec toi, je ne suis pas sure qu’il soit en capacité de se confier dans un groupe Facebook où il y aurait forcément plus de mamans que de papas.

  3. […] parfois le titre « comment se faire obéir sans crier » dont j’ai déjà parlé dans m... parents-naturellement.com/pourquoi-je-ne-parle-plus-de-parentalite-positive
  4. ALICE Répondre

    Bonsoir ce post est très intéressant comme tout le blog. Je me pose des questions sur cette méthode je ne sais pas si vous aurez le temps de me répondre.

    – Mon fils a 9 mois donc de toute manière pas question d’autorité/obéissance a cette âge enfin je n’aime pas trop ces mots . A partir de quel moment mettre en place cette méthode ? Actuellement mon fils est libre d’explorer tout en essayant toujours de lui expliquer pourquoi il ne peut pas faire certaines choses car dangereuses par exemple même si je n’ai pas l’impression qu’il le comprenne pour l’instant.

    – Par rapport à votre expérience que vous cité avec la continence pour votre fille qui ne voulait plus rien mettre en bas car cela lui facilité les choses. Comment faisiez vous a cette période lorsque vous deviez aller dehors par exemple pour des courses ou autre? Ma question paraît peut être bête mais cela m’intéresse vraiment.

    – Auriez vous des ouvrages à me conseiller pour mettre tout cela en place . J’applique l’éducation positive et bienveillante (du moins j’essaie) mais ce n’est pas toujours facile lorsque l’on a pas était élevé soi même comme cela et que l’on a pas de « schema » .

    Merci à vous.

  5. […] Si vous voulez creuser plus le sujet, Parents efficaces de Thomas Gordon est une bonne référence. ... https://www.blog.happy-chantilly.com/ma-vision-de-leducation-en-conscience

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